Château Barbeyrolles

Le Pétale de rose de Gassin – Itinéraire d’un vin iconique

  • by: pierrot
  • 6 mars 2023

 

Fabrice Michelier – 16 février 2023

C’est l’histoire d’une femme et d’un vin qui ont changé la perception que l’on pouvait avoir du rosé. À Gassin, Régine Sumeire et son Pétale de rose ont marqué leur temps.

Une couleur. Pour une révolution. Si aujourd’hui le vin rosé s’impose dans les soirées et sur les plus grandes tables, en France, comme à l’étranger, cela n’a pas toujours été le cas. Il a fallu se battre. Lutter contre les préjugés. Changer les habitudes. Dans ce combat, il existe une pionnière et un vin qui ont complètement changé la donne: Régine Sumeire et son Pétale de rose. Si elle reprend le domaine Barbeyrolles à Gassin en 1977, c’est au milieu des années 1980 que la viticultrice bouleverse le code. Une volonté et le fruit de plusieurs facteurs. ” En 1985, je suis allée à Bordeaux et j’ai découvert le pressoir hydraulique chez Delmas. Il m’a dit que je devrais faire des blancs en grain entier avec ce système et que ce serait superbe.“, se souvient Régine Sumeire; Problème, si l’on peut dire, lorsqu’elle rentre dans le Var ce sont les grenaches qui sont prêts.” C’est là que j’ai trouvé ce rosé très pale, le fameux Pétale de rose. Il est né comme ça, dans ce pressoir hydraulique vertical de la marque Coq.”

Choix du pressoir

Oh, attention à ne pas se fier à la modestie de la maitresse des lieux, cela ne doit rien au hasard non plus. ” Le premier jus était extraordinaire, mais pour les deuxièmes et troisièmes il fallait remettre sur des rouges, se remémore-t’elle. Ensuite, j’ai acheté un pressoir pneumatique Bucher, mais il ne donnait pas vraiment satisfaction sur le pressurage. Il ne respectait pas bien l’acidité du raisin. Il n’y avait pas l’autofiltration, car la masse de raisins était toute petite alors que dans un Coq ou un Coquard, c’est complètement différent. C’est ce qui, ensuite, donne cette couleur très claire.” D’ailleurs, aujourd’hui encore lorsqu’elle change de pressoir ce sont toujours ces détails qui prévalent.

Sans oxydation

Il faut adapter le temps de pressurage pour avoir assez de jus et que le raisin soit bien pressé. C’est la masse physique du raisin qui s’auto-rebèche [s’émiette, ndlr] qui importe. Le fait  que ce soit des grains entiers, sans oxydation, permet de garder la couleur puisqu’il n’u a pas de libération des anthocyanes, la matière colorante du raisin.” Voilà les secrets du fameux Pétale de rose. Un long travail de recherche et de réglage pour enfin toucher le Graal et trouver, au-delà de la couleur, un vin qui détonne par son goût. “Il se révèle long en bouche mais, au départ, je ne savais pas ce que j’allais obtenir.” Si elle obtient satisfaction, le combat n’est pas gagné pour autant. A l’époque, le rosé jouit d’une terne réputation. A cela s’ajoute le fait qu’une femme arrive avec ses idées…de quoi chambouler un milieu conservateur. ” Je devais faire mes preuves. Peut- être un peu plus que les autres.

Dégustations à l’aveugle

Pour obtenir l’appellation pour son rosé, Régine Sumeire doit passer par des dégustations. Et là encore, rien n’est simple. “Il y avait un délit de sale gueule“, sourit-elle aujourd’hui. “Le vin était noté comme “sans couleur” ou un “blanc taché”. J’ai dû batailler pour le faire déguster dans des verres noirs, afin que la couleur ne soit pas rédhibitoire. Ce n’était pas normal.” Et comme par miracle, après les dégustations à l’aveugle, les barrières tombent et le vin séduit immédiatement. En France, il s’impose rapidement sur les cartes des grands restaurants, bien heureux d’obtenir des bouteilles qui détonnent tant sur la forme que sur le fond. Mais l’épopée du Pétale de rose ne se limite pas aux frontières de l’Hexagone. Pae sa volonté d’évangéliser le rosé, Régine Sumeire fait partie de ceux qui ont créé la Route du rosé. Pour faire connaitre leurs produits, ils sont ainsi plusieurs à s’envoler vers Saint-Barthélemy. L’île n’a pas encore la renommée qu’elle connaît aujourd’hui, mais déjà de riches américains s’y pressent pour de longues soirées ou des courses de bateau. Le succès est immédiat. “Jusqu’alors, le rosé était considéré comme un petit vin sans noblesse. Le succès à Saint-Barth’ a donné une tout autre image.

Macaron bio

Si le bio n’était pas encore d’actualité, le domaine Barbeyrolles a cultivé les bonnes habitudes, selon le souhait de sa propriétaire. ” Nous n’avons jamais utilisé de désherbant chimique par exemple. Nous n’usons que des levures indigènes, jamais chimiques. Nous semons dans les vignes, notamment des céréales, cela permet d’avoir des racines qui plongent et nourrissent la vigne, ça fait de l’engrais vert et ça fait migrer l’eau.” Aujourd’hui, les bouteilles du domaine présentent le macaron bio. Mais au-delà de cela, pour garder le goût si identifiable de son vin, Régine Sumeire poursuit ses recherches, avec une contrainte: s’adapter au changement climatique pour “garder la fraîcheur du vin.” Un défi de taille pour celle qui n’entend pas encore passer la main, même si déjà elle prépare ses neveux pour prendre la suite. Mais ce n’est pas pour maintenant.